Pendant le dernier stage à Plouezoc’h dans la baie de Morlaix nous avons parlé des émotions :
Dans le yoga du Cachemire on ne cherche pas à gommer les émotions qui nous traversent. On ne veut pas les dépasser ou les surmonter, ni non plus les mettre en exergues. Parce que profondément on ne veut pas être autre que ce que l’on est dans l’instant.
La joie, la colère, le trouble, le manque, l’exaltation, la douleur, le rire, la peine, l’inquiétude, l’émerveillement, la peur… sont bienvenus. Ça nous traverse, c’est là, c’est la vérité de l’instant, on ne zappe rien, on se laisse traverser…
On ne veut pas non plus psychologiser… mentaliser, croire qu’on va comprendre… tant qu’on rentre dans les méandres de la psychologie, on cherche des solutions, on veut échapper à ce qui est. On croit que ce qui est n’est pas bien… que ça doit être changé… Et on donne beaucoup beaucoup d’énergie à cette activité. Tout le temps on entretient des réseaux de pensées autour des faits… On tisse des histoires. C’est une mise à distance. Une récupération par le mental du vécu immédiat.
Il n’y a rien à comprendre. On veut comprendre pour se rassurer… pour s’approprier les situations… les contrôler… c’est un ajournement du face à face…
Quand on lâche cette activité pour se consacrer à vivre ce qui est en direct, tel quel, sans l’arranger— on récupère une très grande énergie. On réalise que rien n’est bien ou mal. C’est là, c’est la beauté de l’instant, on ne résiste pas… on ne juge pas… Et cette énergie après quelque temps de ce silence du mental se transforme en clarté.
Sans chercher à comprendre.
Une clarté se donne.
C’est l’intuition. Buddhi l’intelligence intuitive branchée sur les informations de la Conscience. Le divin en nous. On sait… sans explications… c’est lumineux… Ça n’a rien à voir avec patauger dans les marasmes du mental (manas) et de la psychologie à quatre sous qui prévaut dans les magasines d’aujourd’hui. Quelques soient les explications qui sont trouvées par ces chemins tortueux, elles nous entraînent dans des labyrinthes sans fin ni centre et ça finit par être décevant, déprimant et usant…
C’est vrai que quelque fois on observe qu’on n’arrive pas à vivre en direct les émotions proposées et on perçoit alors toutes nos stratégies d’ajournement… Mais voir nos ajournement, nos prétentions, avoir cette honnêteté, peu à peu nous ramène aussi à la clarté… Seule cette clarté fait réellement sens. Sentir est un privilège.
Si nous ne jugeons plus sentir avec notre mental en sélectionnant ce qui serait bien et rejetant ce qui nous semblerait mal, toutes les sensations deviennent beauté, expression de la Grande Déesse Shakti. Notre peur est merveilleuse, notre colère, notre joie, notre trouble vécus en direct sont merveilleux… inouï * ! Et l’inouï nous emplit de joie… nous exalte au plus savoureux de nous-mêmes !
La magie et la joie de vivre sont juste là, à portée de notre écoute… Simplement se laisser être en toute franchise est la non-voie du yoga non-duel du Cachemire.
* ”l’inouï » est le pas encore entendu, dixit François Julien.

Kate Giquel

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