Action / Non-action

Questionner nos certitudes nous libère.

Sans que nous ne le sachions, des croyances inconscientes nous constituent et nous téléguident. L’enseignement du yoga est fait pour remettre en perspective ces configurations. 

On ne cherche pas à les changer, on accepte de les voir. Les choses changent alors toutes seules. La tradition nous explique que quand on voit que ce qu’on prenait pour un serpent est une corde, il n’y a rien à faire pour ne plus croire au serpent.

Ça semble simple… mais cette mise à jour de soi, cette mise en lumière de nos fonctionnements, nous demande en fait beaucoup de courage et peu de gens sont prêts pour ce voyage.

C’est pour ça que le yoga véritable n’est pas une simple gymnastique du corps… mais une aide extrêmement élaborée pour constamment équilibrer et ré-harmoniser les flux d’énergie qui nous traversent quand on fait face à nos émotions… à nos sensations, quand on vit enfin dans la réalité la plus immédiate, sans rien zapper.

On comprend alors à quel point on n’est pas là pour parfaire notre égo ou améliorer notre idée de nous-mêmes, ce que le yoga moderne fait le plus souvent. On n’est pas là pour se rassurer… mais pour être prêt à s’affronter au plus obscur ! Et, en fait, au fur et à mesure qu’on laisse émerger toutes les émotions enfouies dans nos corps et dans la profondeurs de nos psychismes… on s’aperçoit que tout cela n’est pas personnel… C’est une danse qui nous habite et nous fait agir et c’est la raison pour laquelle nous devons questionner nos certitudes et surtout s’apercevoir qu’elles sont là.

Ne plus se cacher à soi-même ses troubles et les multiples décalages qui leurs sont associés, permet de laisser s’effondrer ce qui nous conditionne et nous diminue.

Nous avons assez clairement pu voir ces derniers temps que notre société en pleine ébullition ne peut plus cacher ses travers, ses incohérences et ses perversions… Ce déballage n’est pas fini, il peut aller très loin !

Et, simultanément, le meilleur émerge aussi. Toutes sortes de propositions généreuses, équilibrées, harmonieuses et plus respectueuses que jamais de l’environnement se font jour de plus en plus.

En affrontant le plus sombre, on permet au plus lumineux de surgir.

Toutes les traditions décrivent ce périple dans nos enfers… les enfermements… les lieux gardés secrets parce qu’ils nous font peur… et toutes ces traditions ont imagé des chemins qui nous ramènent à la lumière que nous sommes initialement  !

Cela nous rappelle la Bhagavad Gîta issue du Mahabharata, cette merveilleuse épopée indienne.

La Bhagavad Gita relate cette bataille terrible et finale, sur le champ du Kurukshestra. Juste avant la bataille, le prince Arjuna descend de son char, conduit par Krishna, il ne veut plus se battre… il se sent défait, plein de doutes… 

En réalité, il ne veut pas que toutes les émotions qui tapissent son enfance et sa vie entière disparaissent… il veut garder son monde ! Donc c’est subtil, Arjuna est un très grand guerrier, il n’a pas peur de se battre, ni même de mourir… Il a peur de tuer ses cousins (même s’ils lui ont fait du mal), son maître d’armes, ses connaissances… Il a peur de détruire ce à quoi il a cru et ce qu’il a aimé.

Mais Krishna lui explique longuement (et c’est tout l’enseignement du yoga…) que non, il doit se battre, c’est le Dharma, l’ordre des choses… Il doit faire face, être présent, tout voir, tout sentir et tout laisser partir. 

Arjuna a été armé par Shiva lui-même, ce qui sous-entend que tout va être anéanti… et il n’a pas d’autre choix que de le faire.

Nous souvenir alors que le mot « krishna » veut dire le sombre, le noir… vous vous souvenez peut-être  que Krishna a la peau bleue… et que c’est un avatar de Vishnu, le dieu qui protège la création…

et le mot Arjuna signifie  le lumineux…

Nous comprenons alors que, comme Arjuna, nous sommes lumineux et nous devons livrer bataille… nous devons, aidés de Krishna, affronter le plus sombre en nous sur le champ de bataille du Kurukshestra, c’est à dire la vie. 

Chacun de nous, après avoir erré inconsciemment dans le mystère de la manifestation, se réveille un jour et commence à assembler peu à peu toutes les armes de Shiva dont il a besoin pour l’affrontement final, dans la réalité du champ de bataille de Kurukshetra et là, il va vaincre, ce qui le diminue et l’empêche d’être la lumière.

Et si nous nous battons bien, rien, aucun de nos vieux habits, ne va survivre à notre victoire… Comme Arjuna, c’est ce qui nous fait peur… que tout soit anéanti… C’est ce qui nous freine ! 

En ce moment, l’éveil de l’humanité correspond avec la fin d’un cycle. La tradition indienne dit que cette période que nous vivons est la fin du Kali Yuga. Cela nous paraît d’autant plus énorme et terrifiant que ça correspond avec notre propre possibilité d’éveil… 

La connaissance nous sauve. 

Nous comprenons que toutes les peurs sont, au final, une peur de la mort déguisée… Une peur de disparaître. Nous comprenons qu’une société est un être vivant qui finit par se déliter… Nous avons réalisé que nous ne sommes pas matière, mais esprit qui crée cette matière… Tout cela nous permet de ne pas nous laisser diminuer avec l’obsolescence d’une civilisation. 

Et, comme Arjuna, libérés des mondes de la peur, nos actions seront justes, même si elles effondrent le monde connu et confortable auquel nous nous sommes habitués. 

Et nous seront libres. 

Vraiment libres.                                          

Kate